dimanche 11 novembre 2007

LA MALBOUFFE

LA MALBOUFFE

Ne cherchez pas dans vos dictionnaires, vous ne trouverez pas le mot employé en titre de cet article – d’ailleurs, le logiciel rigide qui, sur l’ordinateur, veille à la correction de la production du rédacteur l’a immédiatement souligné de la petite vague rouge ad hoc. Il vient d’apparaître dans les médias français, et est un composé du terme argotique " bouffe ", qui signifie " nourriture " ou " le fait de manger ", et de l’adverbe " mal ". Il cherche à se faire une place dans le français standard comme équivalent du " junk food " américain.

Sa création est de circonstance. L’alimentation est au cœur des débats et fait couler beaucoup d’encre en France depuis quelque temps. Les consommateurs se méfient de plus en plus des aliments distribués sur le marché. Il faut dire qu’ils ont quelques raisons d’être inquiets. Après la " vache folle ", expression courante pour désigner l’" encéphalopathie spongiforme bovine " (qui a fait vaciller l’Union européenne), les poulets à la dioxine (qui n’étaient finalement pas une spécialité belge), les soupçons d’intoxication au Coca-Cola (peut-être un cas de pathologie psychosomatique collective), la contamination des fruits de mer par les déchets de carburant échappés du tristement célèbre pétrolier " Erika ", voilà maintenant que frappe la listéria : de nombreux cas de listériose ont été signalés sur l’ensemble du territoire, dont quelques-uns mortels, sans que les analyses en cours ne parviennent à discerner l’origine de la bactérie. On serait circonspect à moins !

Les pouvoirs publics, invoquant le principe de précaution, veulent jouer la transparence, multiplient les contrôles et les promesses de renforcement des procédures de traçabilité (encore un mot nouveau-né). Mais la population reste sceptique et éprouve, devant les " ocni " (objets comestibles non identifiés), la même angoisse confuse qu’à propos des " ovni " (objets volants non identifiés). Le sociologue Claude Fischer, auteur de ce sigle en forme de clin d’oeil, explique : " Les produits transformés par l’industrie apparaissent de plus en plus comme mystérieux. Or, pour des raisons profondes, nous devons connaître l’origine de nos aliments. Nous sommes ce que nous mangeons. Une nourriture mal identifiée peut créer des problèmes d’identité chez la personne qui la consomme. " Toute une philosophie, qui a déjà fait lorgner beaucoup vers les végétariens, voire les végétaliens.

La lutte pour une nourriture saine a aussi des enjeux économiques, que des producteurs français, le berger José Bové en tête, sont allés défendre jusqu’à Seattle, pour l’ouverture du dernier sommet de l’OMC. Roquefort du Larzac contre hamburgers de la restauration rapide internationale : c’est un combat inégal qui est engagé. Que la victoire appartienne au bon goût et à la santé !

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